Toulouse (Haute-Garonne) – ZAC Niel – Agglomération
Auteur de la notice : Guillaume Verrier
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Localisation : Toulouse (Haute-Garonne)
Nom du site : ZAC Niel –
Type de site : Agglomération
Mots-clefs : habitat ; commerce ; artisanat ; Second âge du Fer ; La Tène finale ; La Tène C2 ; La Tène D1
Le site de la ZAC Niel se situe au sud de la ville actuelle de Toulouse et fait partie d’une agglomération protohistorique beaucoup plus vaste, dite de Toulouse Saint-Roch. Actuellement, les archéologues s’accordent sur une occupation s’étendant autour de 70 hectares, située entre le boulevard des Récollets et le périphérique sud, le boulevard Saint-Michel et la rue du Férétra en étant les limites est et ouest. Cette agglomération se situe à peu près à 500 mètres des bords de la Garonne, au pied du coteau de Pech David, sur un secteur de basse terrasse relativement protégé des inondations. Outre sa proximité avec le fleuve, l’un des principaux attraits de sa topographie est le fait qu’elle prenne place au niveau du seuil de Toulouse, emplacement relativement plat, entre le Pech David au sud et la butte de Guilhemery au nord, seuil qui forme un passage naturel au niveau de Toulouse entre, à l’ouest, la vallée de la Garonne et l’Atlantique et, à l’est, la vallée de l’Aude et la Méditerranée.
Des incertitudes demeurent sur la taille réelle et les limites de l’occupation gauloise. L’occupation ancienne du quartier est connue dès le XVIIIe s. Les découvertes faites par Léon Joulin au début du XXe s. lors de la construction de la caserne Niel vont définitivement prouver qu’un site gaulois se situe en décalé vers le sud, par rapport aux villes romaine et médiévale, sous l’actuel quartier Saint-Roch (Joulin 1912). Après l’installation de l’établissement militaire, l’urbanisation rapide du quartier va révéler à la fois l’importance de l’occupation gauloise, mais malheureusement en détruire une grande partie, souvent sans surveillance. On devra les découvertes faites souvent dans l’urgence à des membres du CNRS comme Georges Fouet (Fouet 1964 ; 1969), de la Direction des Antiquités Historiques de Midi-Pyrénées comme Michel Labrousse (Labrousse 1968), Michel Vidal (Vidal 1973), Bernard Marty ou bien encore à des amateurs passionnés comme Georges Baccrabère. À partir des années 2000 et la mise en place de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), les interventions archéologiques vont être planifiées en amont des projets d’aménagement et permettre une meilleure prise en compte des moyens pour des fouilles plus efficaces. Elles sont placées sous le contrôle du Service Régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées. Mais au sein d’un quartier déjà densément construit, la plupart des opérations archéologiques vont se limiter à des surfaces inférieures à 2000 m2 (Benquet et al. 2013). C’est dans ce contexte que d’octobre 2009 à juillet 2011 va avoir lieu une fouille de grande ampleur à l’emplacement de l’ancienne caserne Niel suite à sa reconversion en quartier résidentiel. Réalisée par la société Archeodunum sur plus de 2,5 hectares, elle permet de mieux comprendre l’organisation de cette agglomération du IIe s. av. J.-C. (Jud et al. 2013).
Lors de cette fouille, nous avons mis au jour des occupations de plusieurs périodes. La plus ancienne est à dater du Néolithique moyen et final (Chasséen ancien, moyen et récent) et du Chalcolithique (Campaniforme) entre 4500 et 2000 av. J.-C. environ. On ne peut malheureusement pas dire pour cette période si le site est occupé en continu ou non, les indices archéologiques étant trop ténus. Par la suite, à la fin de l’âge du Bronze (Bronze final III) s’installe une grande nécropole. Celle-ci va perdurer durant une partie du Premier âge du Fer (1er Fer moyen) entre 950 et 550 av. J.-C. environ. Après un abandon relatif de la zone, quelques indices pouvant être reliés aux IVe et IIIe s. av. J.-C., prend place à la fin du second âge du Fer (La Tène C2 et La Tène D1) une grande occupation, objet de la présente notice. Par la suite, après l’abandon du secteur durant tout le Ier s. av. J.-C., on note une parcellarisation de la zone certainement due à la mise en culture des terres pendant toute l’époque romaine. Les fossés parcellaires reconnus peuvent en effet être datés entre la fin du Ier s. av. J.-C. et le IVe s ap. J.-C. On notera l’installation d’un petit secteur funéraire à l’ouest de nos fouilles durant le Ier s. ap. J.-C. avec notamment la présence d’une tombe-bûcher. Cette occupation funéraire est certainement à mettre en relation avec la grande nécropole s’étendant au sud de la ville romaine, le long de la voie la reliant à Narbonne. La vocation agricole de la zone semble ne pas se démentir par la suite, des fossés de parcelles se succédant pendant le Moyen Âge et la période moderne. Pour le tout début de la période médiévale, dans le courant du VIIIe s. ap. J.-C., on note la présence d’une tombe isolée montrant que la vocation funéraire du secteur est peut-être encore dans les mémoires.
La ZAC Niel à la fin de l’âge du Fer
Les fouilles permettent de proposer une périodisation de ce secteur de l’agglomération découpée en quart de siècle, durant tout le IIe s. av. J.-C. (figure 1).
Figure 1 : Plan général des fouilles et schéma de l’évolution chronologique de l’occupation.
La première phase, entre 200 et 175 av. J.-C., est peu représentée. Les découvertes ont seulement permis de reconnaître un grand fossé palissadé et quelques fonds de fosse toutes situées dans le secteur occidental de la fouille. Une des particularités de cette première phase est l’absence totale de mobilier importé. Les céramiques reconnues montrent que l’occupation est principalement à vocation domestique avec, outre de la vaisselle de table, la présence de vases dédiés au stockage et à la cuisson des aliments. Le faible nombre de structures reconnues n’a pas permis de retrouver la présence de bâtiment. L’occupation semble peu dense et limitée dans l’espace.
La deuxième phase, entre 175 et 150 av. J.-C., est mieux représentée que la précédente. L’occupation se fait plus dense et s’étend autour du noyau initial. Les importations méditerranéennes se font nombreuses et variées. Les amphores vinaires de la côte tyrrhénienne de l’Italie arrivent en masse, la vaisselle provenant d’Italie, d’Espagne ou de Marseille est bien présente. La céramique locale est dans la droite ligne de celle de la phase précédente, montrant une évolution lente, mais continue du répertoire des formes, de tradition typiquement celtique. Concernant le mobilier métallique, la parure montre également l’appartenance de l’agglomération à l’Europe celtique. Un bâtiment a été reconnu pour cette période. Son architecture est sur poteaux porteurs ou poutres semi-enterrées sur lesquels sont installés des murs en torchis. Ce bâtiment est composé d’une pièce unique avec, à l’intérieur, un petit foyer et, à l’extérieur, un puits à eau. C’est en effet durant cette période que l’on voit apparaître les « célèbres » puits du Toulousain, qui, n’ayant aucun rapport avec les domaines funéraires ou cultuels contrairement à ce qui a été affirmé, sont simplement des structures de puisages, atteignant la nappe phréatique peu profonde dans la zone.
La phase suivante, datée entre 150 et 125 av. J.-C., voit l’occupation se développer encore un peu plus et occuper presque la moitié de la zone fouillée. Le mobilier présente des caractéristiques similaires à la phase précédente, les importations méditerranéennes étant de plus en plus nombreuses, la parure toujours d’obédience celte. Plusieurs bâtiments sont reconnus durant cette période, toujours construits sur structures porteuses fichées dans le sol. À ce stade, l’occupation est principalement tournée vers l’exploitation du terroir alentour et le commerce à longue distance. Quelques traces d’activités productives sont reconnues à ce stade, mais semblent peu importantes et souvent en lien avec la vie domestique (filage, tissage, mouture, etc.).
Figure 2 : Plan général des fouilles et indications des principales activités entre 125 et 100 av. J.-C.
La quatrième et dernière phase, entre 125 et 100 av. J.-C., voit l’acmé de l’occupation du site. La totalité de la surface fouillée est occupée et de profonds changements apparaissent. Si les importations et l’occupation domestique sont toujours bien présentes, l’apparition des activités artisanales est soudaine et marquante : ces dernières couvrent la moitié de la surface de nos fouilles (figure 2). On note à la fois des travaux liés au travail du fer, avec des traces de forge, et du bronze, avec de la fonte à la cire perdue et de la chaudronnerie. Une intense activité bouchère a également été reconnue. On estime à un peu plus de 5000 bœufs abattus presque tous dans la fleur de l’âge. Il s’agit d’un abattage massif, dans le but de nourrir une population nombreuse, et permettant également de dégager quelques surplus destinés au commerce. D’autres activités artisanales sont un peu moins visibles, comme le travail du plomb, de l’or ou du bois. Concernant l’architecture, les bâtiments reconnus ne sont plus ancrés dans le sol comme auparavant : les murs sont montés sur solins, constitués de galets ou de fragments d’amphores, voir pour certains, posés à même le sol (figure 3).
Figure 3 : Photographie des restes de soubassement sur solin de galets d’un bâtiment daté entre 125 et 100 av. J.-C.
La fouille de la ZAC Niel a permis de mettre en évidence l’évolution de toute une partie d’un quartier de l’agglomération de Toulouse Saint-Roch pendant près d’un siècle. Le commerce est l’une des composantes principales des activités du site. L’artisanat, souvent mis en avant, car ses restes font partie des témoins les plus visibles, se cantonne en fait à une période relativement courte de la vie du site, un quart de siècle. La vie domestique est un autre aspect majeur : loin d’être une agglomération commerciale et artisanale, une ZAC protohistorique en quelque sorte, le site est avant tout un lieu de vie dont les habitants profitent des ressources mises à leur disposition sur les bords de la Garonne pour prospérer pendant un siècle. La fin de l’occupation semble rapide puisqu’aucun vestige ne peut être daté du Ier s. av. J.-C. Aucune trace de destruction violente n’a été repérée ; il semblerait que cette agglomération se soit vidée de ses habitants rapidement, sans heurt, pour des raisons qui actuellement nous échappent en grande partie.
Bibliographie
Benquet L., Gardes Ph., Grizeaud J.-J., Lotti P., Requi Ch., Veyssière, F., La Toulouse gauloise revisitée. Apport des fouilles préventives récentes à la connaissance de la topographie des sites de Toulouse-Saint-Roch et Vieille-Toulouse, in Colin A., Verdin F., L’âge du Fer en Aquitaine et sur ses marges. Mobilité des hommes, diffusion des idées, circulation des biens dans l’espace européen à l’âge du Fer. Actes du 35e colloque international de l’AFEAF, Bordeaux, 2-5 juin 2011, Aquitania, supl. 30, p.359-369.
Fouet G. 1969, Les nouvelles fouilles de la caserne Niel à Toulouse, Revue archéologique de Narbonnaise, 2, p.65-94.
Fouet G.1964, Un nouveau puits funéraire gaulois rue Saint-Roch à Toulouse, Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 30, p.9-57.
Joulin L. 1912, Les sépultures des âges protohistoriques dans le sud-ouest de la France, Revue Archéologique, XIX, 4, p.1-59 et 235-254.
Jud P., Alcantara A., Demierre M., Gasc J., Lemaire A., Rousseau C., Verrier G., Toulouse ZAC Niel. Nouveaux éléments sur l’occupation gauloise du quartier Saint-Roch, in Colin A., Verdin F., L’âge du Fer en Aquitaine et sur ses marges. Mobilité des hommes, diffusion des idées, circulation des biens dans l’espace européen à l’âge du Fer. Actes du 35e colloque international de l’AFEAF, Bordeaux, 2-5 juin 2011, Aquitania, supl. 30, p.336-340.
Labrousse M. 1968, Toulouse antique, Paris, Editions de Boccard, Bibliothèque des Ecoles Françaises d’Athènes et de Rome, 212.
Vidal M. 1973, Nécropole toulousaine de Saint-Roch : le puits funéraire n° 27, Revue archéologique de Narbonnaise, 6, 1, p.73-86.
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