Le site du Camp de la Tour

Auteur : Florian Couderc

Localisation : Couffouleux (Tarn)

Nom du site : Camp de la Tour

Coordonnées Lambert 93 : X : 594236.12 ; Y : 6299338.38 ; Z : 110m

Type de site : Habitat fortifié

Mots-clefs : motte castrale ; éperon barré ; rempart en terre ; âge du Bronze ; âge du Fer ; Tarn

Situation géographique

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Le site du Camp de la Tour se trouve à l’ouest du département du Tarn, sur la commune de Couffouleux, à 400 m à l’est de la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe et à 26 km environ au nord-est de Toulouse. Il est situé dans la vallée du Tarn, à la confluence des rivières du Tarn et de l’Agout. Cette position stratégique de carrefour fluvial fait de cet espace un lieu propice à l’installation humaine. Un double rempart en terre délimite un espace de 7,5 hectares entre l’Agout à l’ouest, le Tarn au nord et le ravin du ruisseau de la Saudronne au nord-est. Cet espace naturellement protégé semble avoir été occupé dès la Préhistoire, jusqu’à l’Epoque moderne.

Historique des recherches

Le site du Camp de la Tour a suscité l’intérêt des érudits locaux dès le début du XIXème s. (Massol 1818, p.125 ; Compayré 1852, p.161 ; Crozes 1865, p.101). Plusieurs interprétations ont été proposées : celle d’un camp fortifié du XIIIème s. ou encore celle d’un camp romain. C’est grâce aux prospections d’Edmond Cabié et aux sondages réalisés par le chanoine Farenc et l’abbé Pelegrini en 1942 et 1957 que le site sera mieux documenté. Hormis Edmond Cabié, ces pionniers de l’archéologie tarnaise s’étaient principalement intéressés à l’étude de la motte castrale et associaient le double rempart à ce monument du Moyen Âge. C’est aux travaux de Francis Funck, président du Groupe d’Etude et de Recherches Archéologiques de Rabastens, que nous devons une synthèse des connaissances sur ce site (Funck 1997). Il reprend dans son article les travaux des érudits du XIXème s. et fait un point sur la chronologie du site.

notice-FCouderc-camp-tour-2Figure 1: Localisation des remparts et de la motte castrale sur fond orthophotographique (F. Couderc)

Découvertes et chronologies

notice-FCouderc-camp-tour-pointe-lance-3-legendeDans l’inventaire de la collection archéologique du chanoine Farenc, constitué dans les années 1950, Francis Funck relève la présence de plusieurs outils lithiques (silex taillés, meule dormante, fragment de hache polie) qui appartiendraient au Néolithique. Ils ont été retrouvés à l’intérieur de l’enceinte, dispersés sur le site. Une pointe de lance (fig. 2) à flamme ovoïde et ailerons convexes du Bronze final 2 ou Bronze final 3 ancien (XIIème-IXème s. av. J.-C.) a été découverte au XXème s. (Funck 1997, p.234). Dans ses notes, Edmond Cabié indique qu’elle lui a été rapportée par « la bordière de la métairie de la Tour, qui lui assura l’avoir découvert sur la motte ». Il mentionne également la découverte fortuite en 1889 d’une hache en bronze à 500 m au sud-est de l’enceinte.

Le système défensif est constitué de deux talus de terre espacés de 75 m et séparés par un fossé (fig. 1 et 3). La section la mieux conservée du talus culmine à 4 m au-dessus du champ, pour une largeur de 16 m. Sa longueur conservée est de 338 m mais devait avoisiner les 440 m à l’origine. Le talus externe, moins bien conservé, culmine à environ 2 m au-dessus du sol pour les parties les mieux conservées et avoisine actuellement les 240 m de long pour 490 m à l’origine. Le talus externe et l’extrémité orientale du talus interne ont été remis en culture au début du XXème s. ce qui explique leur arasement actuel. Les parties les mieux conservées sont aujourd’hui sous un couvert forestier (fig. 4).

Suite à une première prospection réalisée par Edmond Cabié en 1907, Francis Funck procéda en 1997 à une nouvelle étude de l’intérieur du site, dit « le camp ». Il a pu constater dans les collections d’Edmond Cabié et dans le mobilier recueilli par ses soins, que le matériel correspond à de la céramique non tournée d’aspect « grossier » et de fragments de meule en grès. Edmond Cabié aurait également vu des restes de foyers dans l’angle oriental du rempart. Aucun mobilier n’appartient à l’époque romaine ni à l’époque médiévale dans l’enceinte. Le mobilier recueilli rappelle plutôt le Premier âge du Fer ou le début du second. Un unique fragment d’anse d’amphore italique atteste une occupation du site à la fin du Second âge du Fer. Seules deux monnaies romaines du IIIème ap. J.-C. (un bronze de Caracalla et un antonianus) ont été découvertes à proximité de la motte castrale. Edmond Cabié ainsi que Francis Funck déduisent de l’absence totale de mobilier antique et médiéval que le système de fortification daterait de l’âge du Fer. La tradition orale voulant attribuer ces vestiges à un camp romain est donc réfutée.

notice-FCouderc-camp-tour-talus-4Figure 3: Profil du rempart (d’après Funck 1997)

notice-FCouderc-camp-tour-talus-bis-5Figure 4: Photo interprétée du talus interne et du fossé (cliché F. Couderc)

La motte castrale médiévale située au nord-ouest du site daterait de la fin du Xème ou du début du XIème s (fig. 5). Un espace sépulcral localisé au sud-ouest du site, entre les deux talus, y serait rattaché (Funck 1997).

notice-FCouderc-camp-tour-motte-6Figure 5: Profil de la motte castrale (d’après Funck 1997)

Synthèse

Le système défensif du Camp de la Tour, dont la chronologie reste à déterminer, présente des caractéristiques tout à fait intéressantes pour l’étude des sites fortifiés protohistoriques de fond de vallée. Son état exceptionnel de conservation  permet de restituer une architecture monumentale et complexe. La présence d’un mobilier rattachable à l’âge du Bronze et à l’âge du Fer dans l’espace délimité par ce rempart, laisse supposer la présence d’un éperon barré de confluent, naturellement protégé par le Tarn, l’Agout et le ravin du ruisseau de la Saudronne. De nombreux éperons barrés sont connus dans la région Midi-Pyrénées pour la Protohistoire, mais rares sont ceux qui ont bénéficié d’une étude approfondie (Gardes 2009). Ce site serait placé à la limite entre les peuples gaulois des Volques Tectosages et des Rutènes. La position de ce site au confluent des rivières Tarn et Agout est certainement à mettre en lien avec la vallée du Tarn et les rivières, qui jouaient assurément le rôle d’axes de communication durant la Protohistoire. Ce site pourrait être mis en relation avec d’autres découvertes dans le secteur, notamment avec une occupation de la fin de l’âge du Fer et de l’époque antique à la Pointe, en face du site du Camp de la Tour, sur la rive gauche de l’Agout commune de Saint-Sulpice (Labrousse 1962, p.604), ainsi qu’avec la nécropole à crémations du Premier âge du Fer de Gabor (Cabié, Pontnau 1894a ; 1894b), distante de seulement 3,5 km au sud-est. Une révision du mobilier du Camp de la Tour collecté au cours des recherches anciennes et l’acquisition de nouvelles données seraient nécessaires pour préciser la chronologie du site et le replacer dans son contexte régional.

Bibliographie :

CABIE E., PONTNAU R. 1894a, Un cimetière gaulois à Saint-Sulpice, L’Anthropologie, 5, p.641-657

CABIE E., PONTNAU R. 1894b, Cimetière gaulois découvert à Saint-Sulpice (Tarn), Revue du Tarn, 2, p.176-194.

COMPAYRE C. 1852, Guide du voyageur dans le département du Tarn, M. Papailhiau, 288 p.

CROZES H. 1865, Répertoire archéologique du Tarn, 123 p.

FUNCK F. 1997, Le Camp de la Tour. Commune de Couffouleux, Bulletin de la Société des Sciences Arts et Belles-Lettres du Tarn, 50-51, p.231-242.

GARDES Ph. 2009, Les fortifications protohistoriques dans le sud-ouest de la France. Bilan des connaissances et perspectives de recherche, Actes de la table-ronde de Lattes du 23 mai 2008: Les fortifications protohistoriques de Marseille à Gérone, DAM, 32, p. 43-58

LABROUSSE M. 1962, Informations archéologiques. Circonscription de Toulouse, Gallia, p.604-605.

MASSOL  J.-F. 1818, Description du département du Tarn, Baurens, 481 p.


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