Le site de Capens (Haute-Garonne) au lieu-dit « Biros et Péguillan »

Le lieu-dit « Biros et Péguillan » à Capens est localisé à une trentaine de kilomètres au sud de Toulouse, en rive gauche de la Garonne dont le cours s’écoule à 1500 m à l’est. Ce secteur constitue une zone d’interface entre le piémont pyrénéen et l’agglomération de Vieille-Toulouse. Il occupe donc une place de choix sur l’itinéraire reliant le siège des Volques aux Pyrénées centrales. Le site se positionne sur une terrasse fluviale qui présente un horizon composé pour l’essentiel de galets, de graviers et de sables grossiers.

Il s’agit d’un niveau irrégulier en surface, ondulant, dans lequel s’insèrent parfois des cuvettes d’origine alluviale comblées de limons argileux ou sableux. Le terrain concerné est par ailleurs bordé au nord et à l’ouest par le ruisseau du Grand Rabé, sous-affluent de la Garonne à écoulement intermittent saisonnier. Dans le secteur, ce petit cours d’eau comporte un ancien chenal méandriforme à l’est de l’emprise de fouille. Son tracé est visible dans la première moitié du XIXe siècle, sur la carte d’État-Major où sa représentation semble indiquer qu’il était encore plus ou moins actif à cette époque. Il apparaît également sur une photographie aérienne actuelle mais aussi sur des clichés du milieu du XXe s.

Le site, jusque-là non répertorié, a été détecté lors d’un diagnostic archéologique réalisé par l’Inrap en mars 2016, dans le cadre du projet d’exploitation d’une carrière à ciel ouvert (Martin 2016). Les fouilles, menées dans le courant du printemps 2017, ont été dirigées par Virginie Ropiot pour l’entreprise ÉVEHA (Ropiot dir. 2018).

Le décapage mécanique sur une superficie approchant les 17.000 m², a permis de mettre au jour un vaste habitat rural à enclos fossoyé datant de la fin du Second âge du Fer (fig. 1).

Figure 1 : Plan des vestiges de l’âge du Fer (DAO : Rowan Lacey, Eveha)

L’ensemble totalise sept principaux creusements linéaires conservés jusqu’à 1,60 m de profondeur, se développant sur une aire globale d’un hectare environ. Chaque fossé se caractérise par trois principales dynamiques de comblement. On trouve tout d’abord des formations naturelles d’origine érosive, généralement hydromorphes, présentes au fond des aménagements et contre les parois, ensuite des niveaux médians mixtes formés d’apports anthropiques et de dépôts de ruissellements, et, enfin, des couches de colmatage par colluvionnement qui occupent le haut des creusements. Certains d’entre eux ont fourni des indices de curage et d’entretien.

Les fossés forment deux grands enclos quadrangulaires adossés. L’enclos 1 se trouve dans la partie orientale de la fouille. Il délimite une superficie interne, rectangulaire tendant au trapèze dans sa partie orientale, qui peut être estimée à environ 5570 m². Il comprend par ailleurs une structure linéaire de partition interne palissadée. L’enclos 1 a la particularité d’avoir fourni une centaine de creusements se rapportant à des architectures sur poteaux porteurs, dont certains dessinent le plan de bâtiments. L’enclos 2 se localise à l’ouest et représente une superficie interne de 4135 m². Il manque les angles nord-ouest et sud-ouest, situés hors zone prescrite. On peut cependant lui restituer une forme plus ou moins quadrangulaire.

Aucune interruption n’a été constatée dans ces tracés. On ne peut pas exclure bien sûr que des ouvertures aient existé dans les parties non dégagées des enclos mais il faut peut-être aussi envisager que les accès se faisaient au moyen d’un dispositif de pont ou de passerelle, amovible ou fixe.

Un huitième fossé se localise à l’extrémité orientale mais il n’est pas connecté à l’ensemble principal. Il est le seul à comporter une ouverture. Très partiellement dégagé, car en dehors de l’emprise de fouille, il est difficile de comprendre son rôle au sein du système fossoyé de cet établissement.
Une grande fosse (FS226), que l’on peut interpréter comme un collecteur d’eau, de 4,20 m sur 3,20 m, et conservée sur 1,24 m de profondeur, complète les données sur cet habitat (fig. 2). En plan, elle se caractérise par un aspect globalement circulaire, mais ses contours s’allongent et se rétrécissent à l’est pour constituer une sorte de goulot. Cet appendice forme un petit pallier d’accès.

Figure 2 : Le collecteur d’eau en cours de fouille (cliché : Rowan Lacey, Eveha)

L’alternance des différents apports sédimentaires observés dans la structure montre un enchaînement de phases de dessiccation et d’humidité (niveaux très hydromorphes). Celle-ci était donc en eau, mais pas de façon permanente. Les curages que nous avons pu constater dans les niveaux inférieurs montrent aussi que cet aménagement a été entretenu. Sa présence en dehors de l’espace enclos pourrait traduire un usage saisonnier, réservé aux animaux ou à des activités non domestiques. Dans ce sens, l’analyse d’un échantillon pollinique issu de cette fosse indique un piétinement fréquent du sol, d’origine animale et/ou humaine.

Le site a également livré plusieurs enfouissements d’objets, dont le caractère inhabituel et/ou organisé mérite d’être souligné. En effet, on répertorie pour l’enclos 1 un ensemble de deux amphores italiques dans le grand fossé est, disposées tête-bêche et sans leur col ; ceux-ci ont été soigneusement placés de part et d’autre d’une des amphores (fig. 3).

Figure 3 : Le dépôt d’amphores dans un fossé de l’enclos 1 (cliché : Sébastien Gomez, Eveha)

À l’opposé, deux outils aratoires complets (une pointe d’araire et un coutre), ainsi qu’une barre de fer, ont été trouvés au même endroit dans le grand fossé ouest de l’enclos 1. Enfin, avant son abandon et son remblaiement définitif, le collecteur d’eau a été l’objet d’un dépôt de faune comprenant un crâne de bovin surmonté d’un crâne de cheval, le tout vraisemblablement calé par des galets (fig. 4). Ces ensembles posent la question de leur fonction symbolique, voire cultuelle.

Figure 4 : Les crânes d’animaux empilés dans le collecteur d’eau (FS226) avant son abandon (cliché : Rowan Lacey)

L’abondant mobilier contenu dans ces structures place l’occupation du site de Biros et Péguillan dans le courant du IIe s. av. J.-C. et plus particulièrement entre 175 et 125 av. J.-C.
Quelques vestiges antérieurs à l’âge du Fer ont également été découverts, notamment une sépulture à inhumation en fosse profonde datant de la fin du Néolithique final/Campaniforme, ainsi qu’une grande fosse contenant du mobilier du Bronze final IIb. Cette dernière renfermait un ensemble de mobilier évoquant des rejets domestiques. Aucune autre structure attribuable à cette période n’a cependant été découverte pendant la fouille ou au cours du diagnostic dans les parcelles voisines. Son isolement et ses traits peu caractéristiques ne permettent pas de déterminer sa fonction initiale. Pour autant, compte tenu de son comblement, il est envisageable qu’elle puisse être en rapport avec un habitat proche non détecté, très probablement lâche.

On retient également la présence d’un bras mort de cours d’eau dans la partie ouest de l’emprise de fouille dont le comblement, argileux et hydromorphe, a été exploité à plusieurs reprises aux époques historiques. D’autres aménagements modernes (fosses de plantation, fossés de parcellaire) sont également apparus durant cette fouille.

Bibliographie

MARTIN J.-M. (dir.), 2016, Biros et Péguillan, phase 1, Midi-Pyrénées, Haute-Garonne, Capens. Rapport d’opération de diagnostic archéologique, INRAP, Grand sud-ouest, 91 p.

ROPIOT V. (dir.), en préparation, L’établissement rural de Biros et Péguillan à Capens (Haute-Garonne). Rapport final d’opération de fouille, EVEHA, Toulouse.

Nature du site : Habitat rural
Mots-clés : Habitat, fossés, Second âge du Fer, établissement rural, collecteur d’eau, fosse, trou de poteau, Bronze final IIb


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